Mademoiselle FETIS est une des milliers d’infirmières volontaires engagées durant la première guerre mondiale. La biographie ci-dessous a été transmise par M. FETIS, son petit neveu, dont les indications proviennent de ses archives familiales. Pour cette biographie, à lui la plume, avec mes remerciements renouvelés.

Jeunesse

Anne Marie Jeanne Yvonne Fétis est née à Montendre (17) le 7 septembre 1883. Son père était Louis Fétis (1851 – 1931). Il était né à Rochefort et fut agent voyer ainsi que maire de Montendre de 1920 à 1925. La mère d’Yvonne, qui se nommait Lydie Degrange (1855 – 1928), était originaire de cette même localité de Montendre.

Yvonne était la sœur aînée de mon grand-père, André Fétis (1884 – 1960) qui a fait la guerre de 1914 – 1918 dans les transmissions. Par la suite, il choisira d’utiliser ses connaissances acquises durant ce conflit et deviendra, dans le civil, receveur des Postes.

Yvonne habitera avec sa famille en Charente Inférieure, d’abord à Montendre, ensuite quelques temps à Gémozac, puis, enfin, à Saintes.

Yvonne a le goût de l’écriture. Elle rédige un journal pendant toute la durée de la guerre, et un mémorial, où elle raconte son idylle avec un cousin plus jeune qu’elle. Mais, la mère du jeune homme s’oppose à leur mariage à cause de la différence d’âge. C’est la rupture entre eux deux. Yvonne ne s’en remettra jamais.

Elle tiendra, aussi, un journal de janvier 1914 à août 1917. C’est la source principale de la présente notice.

Pour être utile, elle suit des cours d’infirmière dans un dispensaire de Saintes. Yvonne se lève tôt le matin pour suivre cette formation. Il y a de l’émulation entre les participantes, mais, aussi, de l’entrain. Elle aime son dispensaire et « sa chère Croix-Rouge ». Yvonne apprend à soigner d’éventuels blessés militaires. En avril 1914, elle passe l’épreuve écrite, l’épreuve orale ainsi que l’exercice pratique. Yvonne est reçue  première à cet examen d’infirmière. Elle reçoit, donc, le fameux brassard blanc à croix rouge. Elle va utiliser rapidement ce qu’elle a appris, car la guerre éclate bientôt.

A l’Hôpital Auxiliaire 8

Dès le début du conflit, elle offre ses services bénévolement. Yvonne est mobilisée à l’hôpital auxiliaire n° 8, à Saintes. Ce bâtiment est un ancien couvent, « Sainte Marie de la Providence », qui est devenu un hôpital militaire. Elle est affectée à la salle n° 2 qui comprend 17 lits. Au début, il faut faire de nombreux préparatifs pour être opérationnels. Avec elle travaillent deux autres infirmières, un infirmier et une religieuse. Comme ses collègues, elle est placée sous l’autorité d’une infirmière-major de La Rochelle.

Le premier convoi de blessés arrive le 18 août 1914. Tout le personnel est à l’entrée pour attendre les blessés. Yvonne est émue de voir ces soldats qui souffrent dans leur corps et dans leur cœur pour la France. Ils sont harassés et couverts de poussière. Le docteur les voit tous, les uns après les autres. Il met en place les grands traitements. Yvonne commence à soigner ces soldats. Elle y met tout son cœur. Elle essaie, aussi, de les réconforter. Les soldats sont très polis, gentils et très reconnaissants de ce que l’on fait pour eux. Ils souhaitent retourner au feu sitôt guéris.

Le dimanche, de nombreux soldats vont à la messe.  Yvonne partage leur foi. Elle prie, aussi, pour son frère sous les drapeaux.

En septembre 1914, Yvonne est affectée en salle n° 5, tout en aidant en salle n° 4. Elle soigne beaucoup de blessés du nord et de l’est de la France. Ils sont tellement nombreux qu’il faut rajouter des lits. Beaucoup de soldats sont cultivateurs dans la vie civile. Elle les écoute raconter les batailles auxquelles ils ont pris part. L’un d’entre eux offre à Yvonne l’éclat d’obus qui a failli le tuer.

Yvonne ne prend pas de congés car ses malades la retiennent. Petit à petit, elle se fatigue moralement et physiquement.

A l’Hôpital Complémentaire 2 (Recouvrance)

On lui propose d’aller soigner des blessés à l’hôpital militaire de Saintes qui s’appelle Recouvrance et qu’elle ne connait pas. Elle éprouve une « terreur folle » à l’idée d’aller là-bas. Mais, elle serait accompagnée de six infirmières avec qui elle a déjà travaillé. Ensemble, elles posent certaines conditions qui sont acceptées. De leur côté, les parents d’Yvonne la poussent à répondre oui à cette proposition.

Le premier mars 1915, elle signe, donc, son engagement pour la durée de la guerre dans cet hôpital militaire. En arrivant, elle constate que les blessés y sont presque à l’abandon. Tout est à faire ici. Elle ressent du découragement. Malgré tout, elle se met à l’œuvre. Elle travaille dans une salle de 30 lits. Elle doit, aussi, surveiller la propreté et le confort d’une salle voisine. Le médecin-chef, un grand chirurgien, le Dr Rogée1, les laisse organiser leur activité. C’est ainsi que, durant cette guerre, le travail féminin a pris de l’ampleur.

Petit à petit, grâce à l’arrivée de ces sept infirmières, les choses s’améliorent à Recouvrance. Les blessés sont mieux pris en charge. Il y a des zouaves, des tirailleurs, des fantassins… Ils viennent de toutes les provinces de France, et même de Belgique ou d’Afrique du Nord. Yvonne précise qu’à les entendre raconter ce qu’ils ont fait si héroïquement, on dirait que c’est simple et naturel. Un jour, la mère d’un soldat remercie Yvonne les larmes aux yeux des soins prodigués à son fils.

Un soldat était si gravement blessé qu’il était à la dernière extrémité. Il a une grande foi : se sachant perdu, il offre sa vie pour Dieu et pour la France. Ce jeune homme fait l’admiration d’Yvonne. Il meurt le 12 mars 1915. Yvonne écrit ce jour-là : « j’avais mal au cœur en voyant mourir ce pauvre soldat qui s’en allait si loin de ceux qu’il aimait, ses parents, sa fiancée. Et je pensais avec douleur que d’autres qui me sont si chers peuvent mourir aussi, bien loin de ceux qui les aiment. Ah, la guerre, mon Dieu, quelle affreuse chose ! ».2 

Trois jours après, le 16 mars 1915, ce que redoute Yvonne se réalise : l’un de ses cousins, le capitaine Antoine Largeteau, père de trois enfants, tombe au champ d’honneur. Ce malheur bouleverse Yvonne. Elle va, avec sa mère, annoncer la triste nouvelle à son épouse.

En avril, une infirmière, Madame Durand-Gosselin, femme d’un pasteur, se pique involontairement. Cela provoque une infection générale qui aboutit à son décès. Elle paye de sa vie son grand dévouement.

Lien vers la fiche de Mme DURAND-GASSELIN

Les blessés soignés sont, surtout, des cultivateurs ou des ouvriers. Il y a très peu de fils de famille. Ce sont tous de braves garçons, honnêtes et bons. Ils font preuve de grande délicatesse. Certains soldats tiennent beaucoup à Yvonne. Lorsqu’ils quittent Recouvrance et leur infirmière, beaucoup ont des larmes dans les yeux.

Par la suite, elle passe en salles 3 et 4. Elle y travaillera, aussi, en 1916. On peut noter que le nombre de blessés à Recouvrance varie d’une période à l’autre. Lorsque le nombre de blessé est bas, Yvonne en profite pour prendre un peu de repos. Elle va voir sa famille à Montendre ainsi qu’à Bayas ou à Berson, ces deux dernières localités étant en Gironde. Mais, pendant toute la guerre, elle souffre affreusement de la séparation d’avec son fiancé qu’elle ne reverra plus. Elle sait qu’il est au combat et craint pour sa vie.

De temps en temps, Yvonne assiste à des remises de décorations à des blessés qu’elle a soignés. Souvent, elle trouve les cérémonies froides, sans ampleur. Les décorés méritaient mieux.

A chaque permission accordée à son frère, Yvonne est heureuse de le voir. Mais, chaque nouveau départ est un déchirement.

Un blessé se nommant Hochin est plongé dans le désespoir. Il a su par des réfugiés belges que sa fiancée a été fusillée avec d’autres jeunes filles de l’endroit. L’ancien contremaître de l’usine où elle travaillait avait ordonné cet acte odieux Yvonne a une grande compassion pour son blessé, d’autant qu’il a perdu trois frères à la guerre. C’est trop de malheur.

En septembre 1915, une petite représentation est donnée à Recouvrance pour les blessés. Ainsi, parfois, il y a des représentations théâtrales dans les hôpitaux militaires.

Survient en mars 1916 le décès d’une infirmière de Recouvrance, Madame de Laval. Elle souffrait d’une congestion pulmonaire. Yvonne précise qu’elle s’est usée à la tâche.

Lien vers la fiche de Mme DE LACOSTE DE LAVAL

En effet, le travail est intense. Certains jours, Yvonne écrit qu’elle n’en peut plus.

Elle aide à sauver la vie d’un poilu appelé Huart3 qui était bien mal. En effet, elle prévient le médecin-chef de l’aggravation de son état. Le médecin-chef décide de l’amputer. Il n’était que temps. Ce poilu fera ses Pâques sur son lit, nous dit Yvonne.

En juin 1916 est organisée une loterie pour les blessés avec des objets faits par eux. A d’autres moments, les infirmières préparent des pâtisseries destinées à leurs soldats éprouvés.

Yvonne reçoit en juillet 1916 une lettre du médecin-chef lui proposant d’aller se reposer en Suisse. Il s’agit d’une offre du Comité de la Croix-Rouge Suisse. Deux conditions sont requises : d’une part, avoir, au moins, deux ans d’hôpital, et, d’autre part, se consacrer aux grands blessés. C’est le cas d’Yvonne. Elle accepte cette proposition. Le voyage dure du 23 août au 20 septembre 1916. Elle va à Genève, puis à Lucerne. Durant ce périple, la Suisse fut, pour elle, un pays hospitalier et charmant. Elle écrira que « ce voyage a été un joli rêve ».

En Suisse. Y. FETIS est à droite.

A son retour, elle apprend que son frère est volontaire pour Salonique, sur le front d’Orient. Elle prie Dieu de le protéger là-bas.

Elle retrouve Recouvrance où elle participe, aussi, aux soins dispensés au sein du nouveau service d’ORL.

En mai 1917, elle ressent de violentes émotions pour un blessé qui meurt après bien des souffrances. Elle joue le rôle de l’infirmière, de la confidente et du prêtre. Elle a toutes les responsabilités. Ce décès la rend malade. Pas une éclaircie de joie, pas un coin de ciel bleu.

Extrait du livret d’Infirmière d’Y. FETIS – Note du médecin “Infirmière experte soigneuse et dévouée. A rendu les plus grands services dans sa salle.”

Victime du devoir

Yvonne va payer son dévouement en étant atteinte de la terrible grippe espagnole contractée auprès de soldats malades.

L’épidémie faisait des ravages en cette année 1918. Souvent, elle emportait les personnes atteintes très rapidement, parfois en 48 heures. Cette maladie provoquait une infection généralisée qui se révélait mortelle. La grippe espagnole a fait, selon les différentes estimations, de 40 à 100 millions de morts à travers le monde, entre 1918 et 1919.

Yvonne Fétis décède le 7 juillet 1918, chez elle, au n° 4, rue Alsace-Lorraine, à Saintes. Elle avait 35 ans. Son père, sa mère et son frère sont effondrés devant ce décès brutal et inattendu. Leur fille (et sœur) est morte pour la France.

L’Indépendant de la Charente-Inférieure, 11 juillet 1918

Son corps est transféré au cimetière de Montendre où elle repose désormais.

En octobre 1918, le bulletin de la SSBM (Société de Secours aux Blessés Militaires), une des trois sociétés ancêtres de la Croix-Rouge française) précise que Melle Fétis, infirmière depuis le début de la guerre, est morte en quelques jours.

Le 21 mai 1919, sa mère fait dire une messe pour elle.

Devant le palais de justice de Saintes, se trouve le monument aux morts de cette ville. Parmi les trois infirmières inscrites, on peut lire « Melle FETIS Y. ».

Dans l’église Saint Pierre de Saintes se trouve une plaque avec la liste des morts de 1914-1918. Y sont inscrits en lettres dorées sur fond noir les mots suivants : « 1918 Melle FETIS Yvonne ».

Son nom est, aussi, gravé sur le monument aux morts de Montendre, son lieu de naissance.

Dans le livre d’or des infirmières de la SSBM on trouve le nom d’Yvonne Fétis, infirmière ayant donné sa vie pour la France, indiquant qu’elle est décédée à Saintes le 7 juillet 1918 de grippe infectieuse.

Par application d’une décision du Comité central de la Croix-Rouge française, la SSBM des armées de terre et de mer a accordé une palme de vermeil à Melle Yvonne Fétis, infirmière de la Croix-Rouge française, en reconnaissance des services rendus par elle à la Société dans l’hôpital auxiliaire n°8 et l’hôpital complémentaire n°2, à Saintes, du 2 août 1914 au 29 juin 1918.

NOTES

  1. Pierre Anatole Georges Léonce ROGEE-FROMY (1852-1918) ↩︎
  2. Il s’agit sans doute de Henri BRIFFAUT, matricule 1678, classe 1913, Lille, Mort pour la France suite à ses blessures, site Mémoire des Hommes ↩︎
  3. Probablement Félix Georges HUARD, matricule 345, classe 1910, Dreux, AD 28 ↩︎

SOURCES :

Archives familiales FETIS

Recensement Montendre 1911, AD 17

Fiche matricule FETIS Jean Médéric André : Matricule 612, classe 1904, Saintes, AD 17

CPA : vue de Montendre : AD 17, Couvent et Salle d’opération : site de vente Delcampe consulté le 19/03/2024

Accès vers la fiche d’Yvonne FETIS : ICI

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