Parmi les infirmières décédées en France durant la Première Guerre mondiale, plusieurs dizaines étaient américaines. Engagées parfois très tôt dans le conflit, avant même la déclaration de guerre de leur pays, elles ont alors servi sous la couleur de la Croix Rouge d’une patrie belligérante. Helen HOMANS était de celles-ci.

Sous le regard d’Esculape

Boston, Massachusetts, côte Est des Etats-Unis. Le 26 janvier 1884, Helen HOMANS voit le jour. Elle est la fille du docteur John Homans, chirurgien abdomnial, et de son épouse Helen. La famille est connue et reconnue comme étant une dynastie de médecins depuis plusieurs générations. Par sa lignée cognatique, Helen déscend de John ADAMS (2e président américain) et de John Quincy ADAMS (6e président américain).1

Les détails de la jeunesse d’Helen sont peu connus. Issue d’un milieu favorisé, elle reçut une bonne éducation. En 1902, elle effectue un voyage d’agrément en Angleterre.

Le 07 février 1903, son père décède à l’âge de 66 ans laissant une fortune de plusieurs milliers de dollars de l’époque à sa famille.

En 1905 se déroule l’élection du maire de Boston. Helen vote et nous offre ainsi le premier exemplaire de sa signature.

De 1908 à 1913, Helen étudie au Radliffe College, établissement permettant l’éducation des femmes par l’Université d’Harvard.

L’engagement

Lorsque la Première Guerre Mondiale se déclare en Europe, les Etats-Unis sont officiellement neutres. Néanmoins certains s’engagent et traversent l’Atlantique. C’est ce que fait Helen au début de l’année 1915. Elle demande alors un passeport qui indique son souhait de partir 1 an pour voyager ou travailler en Espagne, Italie, France, ou Grande-Bretagne dans un hôpital.

Extrait de demande de passeport d’Helen HOMANS – 1915

Ce document est l’occasion d’avoir une idée plus précise de son apparence physique à 30 ans. Helen mesure environ 1m70, est brune aux yeux marron, avec un visage ovale. Cette description est complétée par une photo.

Photographie issue de la demande de passeport – 1915

En mai 1915, Helen est en France. N’étant pas infirmière diplomée, elle entame sa formation à l’Hôpital de l’Alliance à Yvetot (76) qui durera jusqu’en septembre de cette même année.

Source : seine76.fr

Rentrée aux Etats-Unis, sa demande de passeport de 1915 arrivant à échéance, elle en effectue une nouvelle pour une durée de 6 mois. A nouveau, embarquement, et service à l’hôpital d’Yvetot, de février à décembre 1916.

Janvier 1917, changement d’affectation, mais toujours en Normandie. Helen est transférée à Pont-Audemer (27) à l’Hôpital Auxiliaire 109. Cet établissement sis à l’ancien petit séminaire de la ville a été ouvert aux blessés dès août 1914 pour une capacité de 225 lits.2

AD 27 – cote 8 Fi 467-172

Afin de régulariser sa situation administrative, Helen se rend à l’ambassade américaine à Paris afin de renouveler son passeport.

Photographie issue de la demande de passeport – 1917

Au feu

Septembre 1917, Helen fait ses adieux à la Normandie. Transférée aux ambulances chirurgicales automobiles 21 et 23, elle prend la direction de l’Aisne. Les autochir étant associées à un Hôpital d’Origine des Etapes (H.O.E.), c’est à Vasseny (02) que l’américaine s’installe.

Fond Valois – cote VAL 021/009

Un mois plus tard, la bataille de la Malmaison mettra à l’épreuve l’infirmière qui se verra attribuer le surnom de “nouvelle Miss Nightingale”3. Probablement lors de son service à l’ambulance 21, Helen se fait photographier à l’H.O.E. 18 entre 2 soldats.

L’homme à droite d’Helen, le bras en écharpe et la tête pansée est un tirailleur comme en témoigne le liseré jaune sur son col. Malheureusement le grain de l’image ne permet pas de distinguer le numéro du bataillon4. A gauche, il s’agit d’un compatriote de l’infirmière dont l’uniforme est reconnaissable à sa capote et ses cartouchières. Celui-ci pourrait être un officier en raison de son ceinturon (sans les pochettes à lame chargeurs pour le fusil, il n’a qu’une housse pour deux chargeurs de Colt 45, un possible étui à jumelles sur sa droite au niveau de la hanche et une housse de masque à gaz côté gauche.

Février 1918. Après des mois de labeur, Helen reçoit un congé et peut rentrer auprès des siens, à Boston. Quelques semaines de repos, loin du fracas. Mais en juin, c’est le retour en France. Un nouveau passeport est demandé. Cette fois, la durée de validité est portée à la fin de la guerre, sans délai défini.

Extrait de la demande de passeport – 1918

Cette demande est assortie d’un document à en-tête de la Société de Secours aux Blessés Militaires justifiant de son service en France.

Extrait de la demande de passeport – 1918

Enfin, c’est l’occasion, une dernière fois, de pouvoir disposer d’une photographie d’Helen.

Photographie issue de la demande de passeport – 1918

L’aller simple

Mle HOMANS rejoint son ambulance, alors arrivée à Pontoise (95) et se retrouve attachée à l’Hôpital Complémentaire 65 sis au nouveau quartier de cavalerie de la ville. Livré en octobre 1916, ce bâtiment sert depuis d’hôpital en attendant que le 22e régiment de dragons ne s’y installe.5

L’hôpital, chargé de blessés, est touché de plein fouet par l’épidémie de grippe, dite espagnole, qui deferle sur le monde en ce second semestre 1918. Atteinte à son tour, Helen doit s’aliter. Tous les soins tentés pour la sauver échouent. Helen HOMANS décède à moins d’une semaine de l’armistice, le 05 novembre 1918 et reçoit la mention “Morte pour la France”. Décédée célibataire, elle n’a pas eu de descendance.

Extrait état-civil régimentaire HC 65 – Archives Nationales cote AN 19860727-618 – Registre 8776

Par ordre du 18 novembre 1918, Helen HOMANS est citée à l’ordre de l’Armée pour sa conduite et se voit attribuer à titre posthume la croix de guerre avec palme.6 Peut-être lui a-t-on conféré de manière officieuse avant son décès, avant l’annonce officielle venue un peu tard, mais portant toujours la mention de sa maladie au présent.

Inhumée temporairement à Pontoise, son corps sera rapatrié au Etats-Unis où elle repose au cimetière de Milton, Massachusetts.

Deux plaques commémoratives portent le nom d’Helen HOMANS aux Etats-Unis : une dans la King’s Chapel de Boston lieu de son baptême et une au Radcliffe College.

Sources et notes:

Remerciements à A. CAROBBI et T. BOULEAU pour l’identification des soldats sur la photographie à Vasseny, à Chrisitan “Alvin” du forum Pages 14-18 pour les précisions concernant l’uniforme américain.

Documents de l’administration américaine, photographies d’Helen HOMANS : sites familysearch, findagrave

Fond Valois disponible sur le site de Paris-Nanterre : ICI

Fiche mémorial : ICI

Etat-civil régimentaire indexé sur le site geneanet : ICI


  1. Mémorial Université d’Harvard https://memorialchurch.harvard.edu/world-war-i-%E2%80%94-women-radcliffe-college ↩︎
  2. Forum Pages 14-18 : https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=40488 ↩︎
  3. Bulletin S.S.B.M., octobre 1919 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9687941p/f4.item ↩︎
  4. Article sur le 75e BTS : https://parcours-combattant14-18.fr/51-75e-bts-oise-aout-1918/ ↩︎
  5. Site de la ville de Pontoise : https://www.ville-pontoise.fr/la-caserne-bossut-pontoise-une-tradition-militaire ↩︎
  6. Journal Officiel du 04 février 1919 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6361174j.image ↩︎

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