Si les causes principales de décès des infirmières durant la Première Guerre mondiale sont les maladies, notamment contractées aux chevets des blessés, les décès par suite de bombardements ne sont pas anecdotiques1. Nombre de ces femmes étaient souvent volontaires, en première ligne, aux côtés des soldats qu’elles soignaient. Gabrielle STOUQUE était l’une d’entre-elles.

Une famille déstructurée

Gabrielle Clémence STOUQUE pousse son premier cri le 28 avril 1889 à Raon-sur-Plaine, petite commune des Vosges aux confins de la Meurthe-et-Moselle et du Bas-Rhin. Gabrielle est la fille de Joséphine, agée de 19 ans, sans profession, et d’un père inconnu. L’accouchement a lieu au domicile de la mère de Joséphine. Pierre STOUQUE, le père de la jeune maman, est Mosellan ayant opté pour la nationalite française en 1872.

Joséphine confie la petite Gabrielle à sa mère, et quitte la commune en quête d’un emploi.

En 1892, Joséphine est chapelière à Nancy. Elle rencontre Joseph Hubert DUROC, de 10 ans son aîné. Joseph et Joséphine s’unissent le 18 mai 1892 à Nancy. Le nouveau marié ne reconnait pas Gabrielle à l’occasion de ce mariage. L’enfant reste sous la garde de sa grand-mère.

5 mois après son mariage, Joséphine met au monde Marie Louise à Nancy. Puis viendront Eugénie le 18 février 1895 et enfin Marcelle Marianne Victorine le 28 mai 1898.

En 1896, Gabrielle est recensée dans les Vosges, toujours chez son aïeule et ses tantes.

AD 88, recensement Luvigny 1896, cote 6M836

Le 30 octobre 1898, la petite Marcelle DUROC décède à l’Hôpital civil de Nancy. Cette épreuve semble marquer un tournant dans le destin de Joséphine qui quitte alors le foyer familial et trouve une place de domestique à Saint-Mihiel, dans la Meuse.

Le 08 septembre 1902, Joséphine accouche d’une petite Mathilde à Bar-le-Duc. L’enfant porte le patronyme de STOUQUE puisque l’acte indique que Joséphine serait veuve DUROC depuis le … 30 octobre 1898. Dans les faits, Joseph est toujours vivant, à Nancy, avec ses deux ainées. Mathilde est donc illégalement illégitime!

En 1906, Joséphine est de retour en Meurthe-et-Moselle, à Lunéville. Elle est alors cuisinière chez mademoiselle Muller, sage-femme.

AD 54, recensement Lunéville 1906, cote 6 M 33/328

Qu’est devenue Gabrielle durant ces pérégrinations? Son parcours est inconnu. Elle reçoit toutefois une éducation puisqu’elle obtient son diplôme d’infirmière. A 18 ans, en 1907, la voici à Paris à l’Hôpital de la Salpêtrière.

Le 03 juin 1912, Gabrielle donne naissance à une fille naturelle, Marie Hélène Isabelle. La petite décède un mois plus tard.

Le 15 octobre 1913, Joseph Hubert DUROC décède. Cette fois, Joséphine est réellement veuve. Elle rejoint Gabrielle à Paris.

La guerre de Gabrielle

Dès août 1914, Gabrielle s’engage comme infirmière militaire. Elle veut soigner les soldats, participer à l’oeuvre de guerre. Le souvenir de son grand-père Mosellan a peut-etre pesé dans son choix.

Son affectation l’envoie dans la Haute-Marne, à l’hôpital militaire de Bourbonne-les-Bains.

Carte consultée sur le site Delcampe le 13/07/2025

D’octobre 1915 à avril 1916, Gabrielle est au chevet des typhiques de l’hôpital. Elle soigne au mépris du danger de la contamination.

Mais ce qu’elle souhaite, c’est le front, l’ambulance de première ligne. En 1916, elle est transférée à Chaumont ce que ne la satisfait toujours guère. Ce passage ne sera que temporaire, puisque la voila finalement nommée infirmière à l’Ambulance 7/10 à Gueux, à 10 kilomètres de Reims.

L’ambulance de première ligne à Gueux est située dans le nouveau château.

La photo de gauche date d’avant-guerre. On constate sur la photo de droite la présence d’une grande croix devant le château. Ce symbole distinctif devait permettre aux aviateurs et régleurs d’artillerie d’identifier que ce bâtiment était une structure sanitaire.

Ce qui n’empêche pas le secteur d’être copieusement bombardé. Le journal de Marches des Opérations de la 151e Division d’Infanterie qui tient le secteur dénombre 8 jours de bombardement en janvier 1917 pour au moins 1530 obus reçus.

Au milieu du grondement des canons et du fracas des explosions, Gabrielle soigne les mourants et les accompagne dans leurs derniers instants.

Un matin de janvier 1917, un des obus cité précédemment foudroie le château de Gueux, fauchant Gabrielle et les poilus dont elle avait la charge.

Le lendemain, les soldats venus relever les corps de leurs camarades, sont surpris de trouver une blouse blanche au milieu des tenues bleu horizon. Bien que grièvement blessée à la tête, Gabrielle vit toujours. Evacuée d’urgence, elle subit une trépanation2. Puis six autres sont encore nécessaires qui la laissent hémiplégique. Envoyée au repos à Nice, l’infirmière est réformée n°1 : blessure invalidante en raison de faits de guerre.

Gabrielle, bien qu’elle ait voulu reprendre du service, passe la fin de la guerre à se rétablir tant bien que mal.

Séquelles et décoration

Le 29 mars 1920, Gabrielle est embauchée au Ministère des Pensions. Son histoire, son courage, son caractère, poussent Mme Vauthier, l’inspectrice générale à demander pour l’ex-infirmière la croix de la Légion d’honneur.

Sa nomination au grade de chevalier paraît au Journal Officiel du 18 avril 1921

Le 25 mai 1921, devant une importante délégation, André MAGINOT accroche la décoration sur la poitrine de Gabrielle.

Document issu du dossier de Légion d’honneur – voir sources

La cérémonie est éprouvante, Gabrielle doit rentrer chez elle, à Bourg-la-Reine, pour s’aliter.

Mais les séquelles sont trop importantes. Gabrielle Clémence STOUQUE s’éteint le 12 août 1921 à l’hôpital Cochin, à Paris. Elle ne sera pas déclarée Morte pour la France.

Le 17 août 1921, le corps de Gabrielle est inhumée dans la crypte du souvenir, sous le monument aux morts de Bourg-la-Reine. Son nom sera également gravé sur le granit du-dit monument.

Photo issue du site https://abrideabattue.blogspot.com consulté le 14/07/2025
Photo issue du site monuments-aux-morts.fr consulté le 14/07/2025

Sources

Actes d’état-civil, recensements, disponibles sur les sites des archives départementales concernées

Dossier de Légion d’honneur de Gabrielle STOUQUE : ICI

Journaux disponibles sur Gallica : Le Figaro du 27/05/1921, Le Petit Parisien du 28/05/1921

Fiche de recherche : ICI

  1. Voir page relative aux statistiques : ICI ↩︎
  2. Trépanation : technique de perçage de la boîte cranienne : ICI ↩︎

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